UN FORCENÉ COMME MACRON NE LÂCHERA JAMAIS LE POUVOIR…PAR LUI-MÊME
Frédéric Lordon, développe sur la
chaine du media ELUCID une critique radicale de la situation politique et économique actuelle en France, en s’appuyant sur les outils du matérialisme historique, de la philosophie de Spinoza et de la psychanalyse.
Voici les idées majeures qu’il expose :
1. La nature de la crise actuelle : Plus qu'une crise de régime
- Insuffisance du diagnostic de "crise de régime" [03:08] : Se limiter à la catégorie des juristes et des constitutionnalistes est une déformation professionnelle.
- Crise du capitalisme : la cause profonde [04:05] : La crise institutionnelle et juridico-politique n'est qu'un "épiphénomène" (comme l'épicentre d'un tremblement de terre) de quelque chose de plus profond : une crise du capitalisme.
- La bourgeoisie refuse de payer [05:37] : La crise se résume au fait que la bourgeoisie (individus riches et grandes entreprises) ne veut plus s'acquitter de l'effort contributif pour la reproduction matérielle collective (impôts).
- Contradiction des désirs de la bourgeoisie [06:50] :
- Désir 1 : Ne plus payer d'impôts (en tant que contribuable).
- Désir 2 : Avoir la garantie de la solvabilité des finances publiques (en tant que rentière et détentrice de la dette publique).
- Le peuple comme variable d'ajustement [08:13] : Pour accommoder cette contradiction, les gouvernements (les "fondés de pouvoir du capital") ont sabré dans les dépenses collectives (services publics, sécurité sociale) pour contrôler le déficit et la dette, faisant du reste de la population la variable d'ajustement.
- L'impasse actuelle [09:05] : La solution d'accommodation arrive à sa limite, car le "massacre des fonctions collectives" est devenu insupportable.
- Tripartition politique et instabilité [09:33] : La crise se manifeste par la montée des oppositions (LFI et RN), créant une configuration de tripartition au Parlement, intrinsèquement instable et génératrice de chaos (comparé au "problème à trois corps" en astronomie [10:00]).
- Subventionnement inédit du profit privé [10:46] : Le macronisme a accentué la crise en instituant un régime de subventionnement public du taux de profit des entreprises privées, atteignant des montants astronomiques (rapport sénateurs Rietmann/Gay à 210 milliards, L'Obs à 270 milliards).
- Fractionnement interne du capital [11:49] : Il existe un clivage au sein de la bourgeoisie entre le capital industriel/commercial (intéressé aux subventions publiques) et le capital financier (dont l'intérêt dominant est la soutenabilité de la dette publique).
2. Critique des élites et de la "Bordélisation"
- L'appel au "sens des responsabilités" est une "imbécilité" [03:31][18:16] : Les appels à la vertu et aux qualités morales par les élites médiatiques et politiques sont une grille de recodage morale des problèmes qui masque l'analyse structurelle.
- Les élites néolibérales sont incompétentes [09:53][19:19] : Les élites (politique, économique, journalistique) du néolibéralisme sont "bêtes à faire peur" et "idiotes à nous faire honte."
- Il faut refaire les institutions, pas appeler à la vertu [00:43][18:42] : Ce n'est pas la vertu des individus qui peut suppléer une configuration institutionnelle défaillante.
- La "Bordélisation" vient du macronisme [00:16][23:41] : C'est la bordélisation semée dans la société par les politiques néolibérales et macronistes (qui a mis la société "à sac") qui remonte par capillarité jusqu'aux institutions politiques.
- La bordélisation est une (petite) bonne nouvelle [24:24] : Le fait que la "bordélisation de la société" s'exprime au Parlement atteste qu'il reste une légère connexion entre les institutions et le corps social. Les blocs oppositionnels (LFI, RN) sont les "uniques porteurs de la colère populaire" [24:50].
3. La 5e République et le cas Macron
- Le rôle de la 5e République [15:04] :
- Côté positif : Elle était la mieux armée pour dégager des majorités, mais sa capacité d'accommodation a été débordée par les contradictions économiques.
- Côté négatif : Elle réalise une concentration de pouvoir au sommet qui permet à un individu "passablement déréglé" comme Macron de maintenir ses options de politique économique envers et contre toutes les infirmations électorales.
- L'autoritarisme et la coercition [47:08] : La crise érode la légitimité des institutions. La stabilité n'est plus produite par le consentement, mais par la coercition et la répression (référence à l'état d'urgence et au lapsus de Macron sur l'"état de droit" [48:20]).
- Nécessité d'analyser la psyché de Macron (au-delà du psychologisme) [49:13] : Bien que le psychologisme (explication par l'intentionnalité/conscience) soit inepte, il est faux d'évacuer l'analyse du psychique (pulsionnalité, inconscient). Les structures sociales et les structures psychiques sont coextensives, et les structures sociales sélectionnent les psychés adéquates à l'étage des dominants.
- La perversion au sommet [54:43] : Le capitalisme déchaîné et en voie de fascisation sélectionne la structure psychique de la perversion comme la plus dynamique. Les traits pervers chez Macron sont [58:14] :
- Le déni de l'altérité d'autrui (ex: face à des millions de manifestants).
- La jouissance à jeter autrui dans des états de détresse (ex: faire durer les remaniements ministériels pour plonger les impétrants dans le suspense et l'angoisse).
- Macron est un "forcené" [01:00:12] : Macron n'est pas le "maître des horloges," il est "l'esclave de sa psyché" [59:27]. La démission "de lui-même est un geste qui est orthogonal à sa structure psychique" [01:01:50], et il ne l'accomplira jamais.
4. Stratégies et solutions
- Mort nécessaire du Parti socialiste (PS) [39:06] : Le PS est un parti "foncièrement de droite" qui n'a rien de gauche. Il faut œuvrer activement à sa mort, car ses conditions de possibilité historiques (le fordisme) ont disparu avec le capitalisme néolibéral.
- La dissolution ne résoudra rien [01:10:07] : Elle renverrait très probablement à une configuration similaire de tripartition instable.
- Faire partir Macron : Deux scénarios possibles [01:14:45] :
- Scénario 1 (Souhaitable, mais moins probable) [01:15:25] : Un mouvement populaire de masse "quasi insurrectionnel" qui rend sa présence impossible.
- Scénario 2 (Très possible) [01:15:33] : Macron est débranché par le capital, relayant la pression des marchés obligataires (ouverture des spreads de taux [01:17:20]) via les milieux d'affaires. Ce scénario s'observera lorsque la presse de Bernard Arnault (Les Échos, Le Parisien) appellera au départ de Macron [01:20:16].
- Lutter contre l'habitus de la passivité [01:23:33] : La 5e République a fabriqué un habitus de la passivité où l'action politique se résume au comportement électoral. Il faut que les tensions atteignent un niveau d'insupportable.
- Le rôle du mouvement organisé [01:25:29] : L'incapacité de l'intersyndicale à coordonner durablement la mobilisation (suite à la réforme des retraites et à l'échec du 10 septembre) laisse un vide.
- L'hypothèque de la récupération [01:29:18] : La France Insoumise prend par défaut la place de pôle de coordination, créant une alliance objective avec le mouvement populaire. Cependant, l'alliance risque de se défaire si la LFI cherche à récupérer l'énergie du mouvement pour la recalibrer vers l'agenda institutionnel (présidentielle, 6e République) alors que les masses pourraient aspirer à une transformation plus radicale (sortie du capitalisme).
- Nécessité d'un schéma institutionnel alternatif global [01:32:42] : La créativité locale des mobilisations ne suffit pas. La gauche radicale doit élever sa réflexion et proposer un schéma institutionnel d'ensemble (comme le "communisme" proposé par Lordon et Friot [01:33:40]).
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